Diagnostic d’une défaite électorale selon un conservateur francophone

10 novembre 2015

Par Dominic Therrien, avocat et candidat défait lors de la dernière élection dans la circonscription de Trois-Rivières (Québec)

Introduction

La dernière campagne électorale a été excitante et intéressante à plusieurs égards et, malgré la défaite électorale du Parti conservateur du Canada, plusieurs éléments positifs sont à retenir des gouvernements Harper successifs de 2006 à 2015. Parmi plusieurs réalisations, un bilan économique impressionnant ainsi qu’un leadership international fort du Premier ministre Stephen Harper laissent une marque positive sur notre pays à mon avis. Le Canada a d’ailleurs été récemment reconnu à plusieurs égards sur la scène internationale notamment pour sa qualité de vie ainsi que sa réputation internationale. Cela est tout à l’honneur des hommes et des femmes qui ont fait partie des différents gouvernements conservateurs depuis 2006. Cependant, la défaite de notre parti le 19 octobre dernier est sans appel et soulève certaines inquiétudes pour l’avenir. Le présent document de réflexion vise à identifier certaines des principales causes de ladite défaite électorale et ce, afin de participer à notre processus de réflexion qui vient de s’amorcer.

1) L’usure “normale” du pouvoir

Toute démocratie vit ce besoin d’alternance des électeurs qui se traduit souvent par une “volonté de changement.” Tout gouvernement, malgré ses réalisations, est confronté à la volonté des électeurs de changer de gouvernement et notre parti n’a pas échappé à cette réalité. Il ne faut donc pas sous-estimer l’usure du temps pour expliquer, du moins en partie, notre défaite après neuf (9) ans au pouvoir. Le verdict populaire du 19 octobre est clair et il s’agit d’une défaite importante pour notre parti et ce malgré un excellent bilan de 2006 à 2015. Cependant, le parti a quand même fait élire 99 députés à Ottawa et compose l’opposition officielle ce qui démontre que notre parti a des fondations solides.

2) Nos difficultés à devenir un parti véritablement national et bilingue

Notre parti a de la difficulté à faire élire des candidats au Québec et dans les provinces maritimes et je crois que la culture et la composition de notre parti y est pour beaucoup. Mon expérience lors de la dernière élection m’a démontré que nous avons besoin de faire une place plus grande aux francophones et aux Québécois au sein de notre parti, notamment aux échelons supérieurs, si nous voulons progresser et véritablement devenir un parti national. Plusieurs diront que le Québec est la seule province où nous avons vu une progression de notre nombre d’élus (nous sommes passés de 5 en 2011 à 12 en 2015) ce qui est vrai et certainement un signe positif tout à l’honneur de notre lieutenant politique au Québec, Denis Lebel, et des candidat(e)s élu(e)s. Or, cette statistique ponctuelle me semble trompeuse. Aux élections de 2006 et 2008, nous avons fait élire 10 député(e)s au Québec ce qui démontre que, en 2015, nous n’avons finalement que regagné nos acquis sans véritablement réussir à perçer dans un nombre significatif de nouveaux comtés tradtionnellement moins conservateurs. Le tout dans une province qui compte un nombre important (78) de sièges. Bref, l’élection de 2015 nous a simplement ramené aux seuils de notre histoire récente et dans des comtés, dans la plupart des cas, situés dans une seule et même région. Finalement, en analysant le profil des nouveaux députés conservateurs, force est d’admettre que ce n’est pas le Parti conservateur du Canada qui a fait gagner la plupart de ces élus, mais bien leurs notoriétés/capacités personnelles dans leurs milieux respectifs.

Quoi qu’il en soit, nos résultats au Québec depuis 2006 ont été faibles et cela me semble une préoccupation urgente considérant le poids politique de cette province. La même chose pourrait être dite des provinces atlantiques où nous avons obtenu un grand total de… 0 siège sur une possibilité de 32 à la dernière élection. Sachant que notre pays a un total de 338 sièges, il devient difficile, voir impossible, d’aspirer à des majorités de façon régulière si nous faisons une croix sur près du tiers des sièges (78 au Québec et 32 dans les provinces atlantiques). Cela veut dire que les conservateurs doivent obtenir un score quasi-inatteignable (ou profiter d’une division importante du vote comme ce fut le cas en 2011 avec l’émergence surprenante du NPD) pour obtenir une majorité au Parlement. Cela ne me semble pas une stratégie politique viable pour l’avenir d’où le besoin d’apporter certains changements. J’invite donc notre parti, dans son processus de réflexion pour la prochaine élection, à réfléchir à la place que nous donnons au Québec et aux provinces atlantiques. Pour un nombre important d’électeurs, le Parti conservateur du Canada (contrairement au Parti Libéral du Canada) est perçu avant tout comme un parti régional qui cherche à étendre son influence « à la pièce » avec un succès mitigé. Une intégration véritablement bilingue et nationale de notre parti me semble la priorité la plus pressante afin d’élargir notre électorat tout en maintenant notre base.

3) Nos difficultés à attirer des femmes dans nos rangs

Il s’agit à mon avis d’un des éléments les plus décevants de la dernière campagne eu égard à notre parti politique. Seulement 19.5% de nos candidat(e)s étaient des femmes. C’est (de loin) le pourcentage le plus bas de tous les partis et cela me semble une faiblesse inacceptable au 21ème siècle. À titre comparatif, notre principal adversaire (le Parti Libéral du Canada) avait une proportion de près de 31% de femmes parmi son équipe de candidat(e)s. Il y a des raisons qui expliquent notre insuccès auprès des canadiennes et notre parti doit se pencher sur cet aspect immédiatement s’il veut progresser. Les femmes politiques de notre pays apportent une contribution extraordinaire à notre démocratie et l’augmentation de leur nombre au sein de notre parti constituerait un atout important. Encore une fois, nous devons trouver un moyen d’élargir notre base électorale et le vote féminin et la représentation féminine au sein du Parti conservateur du Canada doivent être des priorités dans notre exercice de réflexion. L’élection de Rona Ambrose à titre de chef intérimaire de notre parti est un pas intéressant et prometteur pour l’avenir.

4) Nos difficultés à transmettre notre message aux électeurs et notre relation houleuse avec les médias

En politique, la forme du message est aussi importante que le fond du message. À titre d’exemple, notons une phrase maintes fois utilisée par le Parti conservateur du Canada au Québec durant la campagne : “Les Québécois sont plus conservateurs qu’ils ne le pensent.” Il s’agit d’un message fort et efficace mais qui, en même temps, comporte un certain aveu d’échec. Si les Québécois, après 9 ans de gouvernement conservateur, ne réalisent pas qu’ils sont conservateurs c’est que forcémment nous n’avons pas été en mesure de faire cette démonstration. Bien que cet exemple s’inspire de la campagne au Québec, je pense que cela trouve écho dans notre action à la grandeur du pays. Notre « brand » (marque de commerce) est un handicap dans plusieurs régions du pays. Peu importe la qualité de notre plateforme et de nos idées, il est primordial de retravailler notre « marque de commerce » et la façon de livrer nos messages afin que des électeurs partout au pays puissent s’identifier au Parti conservateur du Canada. Nous devons donc s’interroger sur notre capacité à transmettre notre message de façon positive et ce, d’un océan à l’autre car je crois que cela a été une cause de notre défaite du 19 octobre dernier.

Cette situation me semble exacerbée par la piètre relation que nous avons avec plusieurs organisations médiatiques. À tort ou à raison, le Parti conservateur du Canada est perçu par un nombre important d’électeurs comme un parti manquant de transparence et qui entrave le droit des électeurs d’être informés en tentant de contrôler à outrance son message politique. Je suis d’avis que notre relation difficile avec les médias est une bataille perdue d’avance qui nous sert très mal. Nous nous privons ainsi d’une tribune importante ce qui avantage nos adversaires. J’ai côtoyé un nombre important de candidat(e)s et ministres de notre parti d’une grande intelligence qui agissent avec beaucoup d’aisance avec les membres des médias et nous gagnerions à utiliser cette force à notre avantage. De plus, au 21ème siècle, l’omniprésence des médias de toutes sortes (traditionnels et sociaux) est inévitable et je vois mal en quoi ne pas coopérer avec les organisations médiatiques puisse être un avantage stratégique. La prolifération des médias n’est pas un phénomène qui s’estompera avec le temps et notre parti me semble à contre-courant dans son approche avec les médias. Je crois que notre parti doit utiliser sa force actuelle (qualité de ses parlementaires, ressources de préparation au service des parlementaires) et l’agencer à une stratégie de grande disponibilité pour les médias pour espérer faire des gains dans le futur. Encore un élément important à considérer dans notre processus de réflexion à mon avis afin de mettre cette nouvelle approche en place le plus tôt possible et pas seulement dans un contexte électoral.

Conclusion : Un avenir préoccupant pour le Parti conservateur du Canada si des changements ne sont pas apportés

Plusieurs verront dans la dernière victoire libérale une simple conséquence de l’alternance normale en démocratie. La réalité me semble plus complexe. Certains facteurs comme les nouvelles règles en matière de financement des partis politiques, la chute du NPD et le déclin important du mouvement indépendantiste au Québec risquent de favoriser un certain retour du bipartisme fort au Canada. Notons à cet égard que le Parti conservateur et le Parti Libéral, lors de la dernière élection ont collectivement obtenu près de 84% des sièges à Ottawa. On peut donc s’attendre à un certain déclin du NPD et du Bloc Québécois à l’avenir. Or, dans un contexte de bipartisme plus fort que ce que nous avons connu depuis l’arrivée du Bloc Québécois en 1993, je crois que le parti ayant une plus grande intégration nationale aura l’avantage. Pour l’instant, le Parti Libéral du Canada me semble détenir un avantage certain sur nous à cet égard. D’où l’urgence pour nous de trouver des solutions pour modifier quelque peu nos messages et, surtout, la façon de les livrer afin de joindre un plus grand nombre d’électeurs et ce, d’un océan à l’autre. Ces préoccupations devront à mon avis se trouver au coeur de notre réflexion afin d’assurer la progression et la pérennité de notre parti.

One thought on “Diagnostic d’une défaite électorale selon un conservateur francophone

  1. ´´Leadership international fort’´!!!!!! ´A quel niveau?
    Le problème avec les partis de droite c’est qu’ils sont tristes, négatifs et malheureux.
    Ils ne sont pas ´´porteurs’´ comme si être conservateur ça signifie avoir peur et être insecucs.
    Ce sont des partis qui se nourrissent de tout ce qui est négatif. Il faut faire peur pour espérer prendre le pouvoir.
    Dm

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